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Mohmed Cherif Kaher a ajouté à la confusion sur le crédit bancaire

 

Nouvelle polémique sur le crédit bancaire. Le conseil supérieur islamique appuie les prêts à taux zéro. Mais en se félicitant de « la suppression des intérêts usuraires », il jette le doute sur tous les autres crédits.

 

 Halal ou pas halal ? Le conseil supérieur islamique a ajouté à la confusion, en intervenant dans la polémique sur les nombreuses formules de crédit, très avantageuses, accordées aux jeunes en Algérie. Menée par des réseaux salafistes en vue de « mettre fin aux taux usuraires », une campagne underground, a pris une ampleur inattendue, très virulente, quand la multiplication des formules proposées a entrainé l’adhésion d’une frange importante des jeunes, soucieux de tirer profit de cette manne financière.

Le gouvernement a offert des facilités par le biais de l’ANSEJ (Agence de soutien aux jeunes) et la CNAC (Caisse d’allocation chômage), qui offrent des crédits à des taux bonifiés. Sous la pression de la contestation, notamment celle des chômeurs du sud, le gouvernement a encore lâché du lest, en accordant des crédits à taux zéro pour certains, alors que les autres formules proposent des taux à un pour cent, sans garantie particulière.

Les islamistes ont contre-attaqué, réussissant à semer le doute, sans qu’il soit possible de mesurer l’effet de leur propagande sur ces décisions du gouvernement. Dans les discussions autour des mosquées comme à travers les réseaux sociaux, des islamistes ont propagé l’idée selon laquelle ces formules, tout comme les crédits bancaires classiques, seraient illicites, car le taux d’intérêt lui-même serait une pratique usuraire, « erriba », explicitement interdite par le Coran.

De nombreux jeunes, confrontés à cette situation, se sont adressés à des imams pour demander leur avis. Ceux-ci se divisent en trois grands courants. Le premier affirme que le taux d’intérêt constitue une pratique économique normale de la part de la banque, qui doit percevoir des intérêts pour payer ses frais, couvrir l’inflation et gagner de l’argent. Un second courant refuse de se prononcer, et un troisième, minoritaire, considère « haram » toute forme de crédit bancaire. Interrogé par Maghreb Emergent, un adepte de ce courant, tout en refusant d’être cité, se veut catégorique : il y a la banque islamique, qui pratique une formule « halal », mais toutes les autres formules sont « haram », dit-il.

Le langage religieux s’est imposé

La première victoire des islamistes a été d’imposer un vocabulaire religieux pour parler d’économie. Relayé par certains journaux, comme le quotidien populaire « Echorouk », ce discours utilise la formule « intérêts usuraires » et non « intérêts bancaires ». Des militants islamistes ont repris ce discours sur les réseaux sociaux, avec notamment une campagne ciblée, ouvertement destinée à « interdire les taux usuraires ».

Les partis islamistes légaux sont quant à eux partagés. Le MSP, qui a participé au gouvernement pendant plus de quinze ans, admet cette politique, mais individuellement, certains de ses dirigeants émettent des réserves. Ils partagent aussi le vocabulaire religieux dans les débats publics. Hamlaoui Akouchi, dirigeant d’Al-Islah et de l’Algérie verte, coalition de partis islamistes, a ainsi demandé la suppression des intérêts « usuraires », au cours d’un débat sur la chaine « Chorouk TV », lundi soir.

Un long document, reprenant l’argumentaire islamiste, a également circulé dans la presse et dans les réseaux islamistes. Ce texte déplore que malgré l’article 2 de la constitution, qui consacre l’islam comme religion d’Etat, « les taux d’intérêt bancaire soient toujours en vigueur au mépris de la constitution et des commandements divins ». Le texte propose une série de mesures destinées à instaurer une économique islamique, avec des banques ayant recours aux méthodes utilisées par celles des pays du Golfe, dites islamiques.

Confusion

Le Président de la commission des fatwas au conseil supérieur islamique, M. Mohamed Cherif Kaher, a déclaré que la suppression des intérêts bancaires dans les crédits à taux bonifié élimine le caractère usuraire. Le fait que l’Etat prenne en charge le paiement des intérêts transforme ces prêts en actes licites, a-t-il dit. Il a invité les jeunes à bénéficier en toute confiance de ces formules, reconnaissant qu’« avant la suppression des intérêts, de nombreux jeunes s’en étaient détournés, de peur de commettre des actes illicites ».

Mais M. Mohamed Cherif Kaher a affirmé que le conseil qu'il préside a toujours revendiqué la suppression des « bénéfices usuraires », sans les définir avec précision. Il a rendu hommage au gouvernement qui a supprimé les intérêts sur les prêts bancaires, sans commenter le côté antiéconomique de la mesure si elle venait être appliquée à tous les prêts. Et comme M. Kaher se félicite de l'apparition des prêts sans intérêt, il laisse planer le doute sur les prêts bancaires traditionnels, qui apparaissent ainsi illicites. « Aujourd’hui, puisque tout intérêt a été supprimé, les jeunes peuvent s’investir en paix », a-t-il dit.

M. Mourad Zemmal, patron de l’ANSEJ, s’était lui hasardé sur ce terrain, sans succès. Interrogé par la radio algérienne pour savoir si l’intérêt bancaire était compatible avec la religion, il a déclaré que les établissements bancaires ont des frais de fonctionnement qu’ils doivent couvrir, tout en assurant des bénéfices au détenteur du capital de la banque.

Un spécialiste des mouvements islamistes a toutefois tempéré cette religiosité. Pour lui, il y a une pression islamiste dans cette polémique sur les taux d’intérêt, mais il y a aussi une part de roublardise, les jeunes essayant simplement d’obtenir de meilleures conditions de financement de leurs projets.

 

http://www.maghrebemergent.info/

Tag(s) : #Finance islamique
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