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Le département Recherches et Etudes de l’intermédiaire en bourse tunisien, Tunisie Valeurs, vient de publier une longue étude sur le secteur bancaire tunisien. Cette étude dresse un véritable état des lieux du système bancaire tunisien et ses perspectives d’avenir.
A la lecture de cette étude, et en connaissant les normes avec lesquelles opèrent les banques étrangères, il devient évident que les banques tunisiennes ont encore beaucoup de chemin à parcourir…

Près de 5000 milliards de dollars (selon le FMI) ont été injectés dans la sphère financière internationale, suite à la crise financière sans précédent qu’ont connue les différentes économies à la suite de la chute de la banque Lehman Brother, fin 2008. Il s’agissait, pour les Etats, de pallier à une crise de liquidité et de confiance qui ravivait le spectre d’une récession mondiale de plus en plus inévitable.
Tandis que les principales puissances mondiales se penchent sur les moyens de limiter les conséquences immédiates de la crise, les banques tunisiennes semblent épargnées par les effets, du moins directs, de ce problème planétaire. En effet, du fait d’un cadre réglementaire strict, et de la relative simplicité des produits offerts sur le plan local, la dépendance des banques tunisiennes aux marchés internationaux reste très limitée.
D’autant plus, la politique d’ouverture progressive et prudente, pratiquée par les autorités, a joué un rôle important dans le maintien des équilibres du système financier tunisien.

Toutefois, le système financier tunisien n’est pas totalement à l’abri des effets indirects de la crise. En effet, vu le climat de dépression économique qui s’est installé en Europe, premier client et fournisseur de la Tunisie, il n’est pas écarté que ce ralentissement impacte les actifs des banques qui sont fortement exposées aux secteurs exportateurs tels que les industries mécaniques et électriques ou le tourisme.
Cependant, il est important de noter que le gouvernement est intervenu pour soutenir ces secteurs, ce qui a réduit sensiblement la pression sur les banquiers tunisiens.
Pour ce qui est de la physionomie du secteur, les banques tunisiennes subissent toujours une concurrence rude imposée par un marché qui devient de plus en plus exigu et qui est toujours partagé entre 20 banques commerciales. Cette pression se fait sentir au niveau de la rentabilité des banques tunisiennes, qui reste en deçà de ses consœurs étrangères. D’autant plus que le besoin de provisionnement de certaines banques reste important. Ce qui pèse davantage sur les bénéfices de ces institutions.
Pour ce qui est des revenus, et vu la relative simplicité des produits offerts par les banques tunisiennes, celles-ci restent fortement dépendantes aux fluctuations des taux d’intérêts. La baisse du TMM de 75 points de base décidée en 2009 a directement impacté les marges d’intérêts, dont la contribution aux PNB dépasse les70% dans certains cas.
L’excédent de liquidité sur le marché monétaire, contrairement aux marchés étrangers, s’est poursuivi durant 2009, ce qui a nécessité l’intervention de la Banque Centrale (notamment au mois d’octobre) pour éponger une partie de ces liquidités, via l’augmentation de la réserve obligatoire, afin de contrôler les dérapages inflationnistes. Cette situation de surliquidité est reflétée dans l’évolution des ressources des banques qui restent importantes compte tenu des circonstances internationales.

Les ressources
Les indicateurs d’activité publiés par les banques cotées (hors BTE qui n’a pas encore publié ses indicateurs d’activité à la date de rédaction du rapport de Tunisie Valeurs) semblent indiquer que les dépôts de clientèle continuent à être la principale ressource des banques tunisiennes. Ceux-ci ont totalisé 31,4 milliards de dinars en 2009, contre 28 milliards de dinars à la fin de l’année 2008, soit une évolution de 12,2%. Cette évolution est, certes, inférieure à celle enregistrée en 2008 (+23.8%), mais elle reste tout de même importante relativement à ce qui se pratique sur les marchés étrangers où la liquidité s’est faite rare.
En terme de parts de marché, c’est la BIAT qui confirme son leadership en s’accaparant, selon ses indicateurs publiés, plus de 17% des dépôts du secteur. La BIAT est talonnée par la BNA avec 13,96% et la STB avec 13,66%.
Pour ce qui est des autres catégories de ressources, plusieurs banques ont profité de la baisse des taux directeurs pour se financer et renforcer leurs fonds propres à travers des emprunts obligataires ou subordonnés notamment AMEN BANK (Emprunt subordonné de 60MDt), la BH (Emprunt Obligataire de 100MDt), la BTE (Emprunt Obligataire de 50MDt) et l’UIB (Emprunt Obligataire de 100MDt).

Face au ralentissement de l’activité économique nationale au premier semestre de l’année, nous nous attendions à un ralentissement de la croissance des crédits bancaires. Ce ralentissement s’est confirmé à la publication des indicateurs du premier et du second trimestre del’année 2009 où des banques ont même affiché des replis aux niveaux de leurs engagements comparés à leurs niveaux de 2008.
Cette tendance s’est sensiblement améliorée au second semestre. En effet, les indicateurs du quatrième trimestre indiquent un total crédit à la clientèle pour le secteur coté (hors BTE) de 28.7MDt, en progression de 10,8%.
Cette progression, quoique inférieure à celle affichée par le secteur en 2008 (+15.39%) reste remarquable compte tenu de l’entame en demi teinte de l’année 2009. Elle est notamment due à l’excellente performance affichée par certains « poids lourds » de la place à l’instar d’Amen BANK (+26%), la BIAT (+22%), et la BT (+15%).
Le secteur immobilier (acquéreurs et promoteurs immobiliers) reste l’un des principaux moteurs de cette croissance.
En termes de parts de marché, c’est toujours la STB qui mène avec une part de marché avoisinant les 16,8%. Elle est talonnée par la BNA (15,14%), et la BIAT qui pour la première fois relègue la BH à la quatrième position et reprend sa place avec (13,35%). La nouvelle organisation de la BIAT qui consiste à élargir son réseau (qui atteint aujourd’hui 132 agences) semble donner ses fruits puisqu’elle permet à la banque de gagner des points importants en parts de marché, une performance extrêmement difficile dans un marché qui compte 20 banques de détails.

Le Produit Net Bancaire
L’année 2009 n’a pas été glorieuse quant à l’évolution des PNB des banques tunisiennes relativement aux années précédentes. Le PNB du secteur coté (hors BTE) s’est établi à 1 690 MDt, contre 1 570 MDt en 2008, soit une hausse de 7,6% (13,7% entre 2007 et 2008). La croissance des PNB a ralenti sous le poids du ralentissement économique qu’a connu le pays spécialement au courant du premier semestre et de la baisse des taux d’intérêt qui a directement impacté les revenus bancaires.
La dépression économique que connaissent les pays de l’UE a directement impacté les entreprises tunisiennes. Ce ralentissement s’est fait sentir, en premier, au niveau de l’attribution de crédits dont le rythme de croissance a diminué par rapport aux périodes précédentes.
En second lieu, les revenus bancaires liés aux activités l’export (ouvertures d’accréditifs, activités des salles de changes, crédits documentaires…) qui ont diminué sensiblement.
En outre, la baisse du taux d’intérêt s’est fait sentir au niveau de la performance des PNB des banques tunisiennes. La structure des PNB des banques locales repose largement sur les revenus d’intérêt (57,86% en 2009 selon les indicateurs publiés). La baisse des revenus d’intérêt suite à la baisse des taux a été difficile à gérer pour la plupart des banques locales, à l’exception de celles qui ont une structure de PNB atypique à l’instar de l’ATB, où les revenus d’intérêt ne représentent que 27,12% des revenus.
La BIAT demeure la banque la plus importante en termes de PNB, devant la STB et la BNA. A elles trois, ces banques totalisent, en 2009, 44,6% du PNB du secteur coté.

La Gestion du risque
L’année 2009 a été une année charnière pour les banques tunisiennes. En effet, c’est la date butoir qu’a fixée la tutelle aux banques locales pour se conformer aux ratios de 15% de taux de créances classées maximal, et de 70% de taux de couverture minimal.
Malheureusement, les indicateurs annuels publiés au mois de janvier ne laissent rien transparaître quant à l’évolution des portefeuilles classés des banques tunisiennes, ou aux montants alloués par les différentes banques aux provisions. Mais, selon les prévisions de Tunisie Valeurs, seules la STB et l’UIB continueront de traîner un portefeuille de créances classées non conforme aux limites tolérées. Quant aux autres banques, il est vrai que leurs bilans se retrouvent largement assainis, mais un grand travail reste à faire au niveau de leurs filiales de recouvrement (détenues majoritairement par ces même banques) qui héritent d’une grande partie de ces portefeuilles.
Il est tout de même important de souligner que certaines banques ont connu une croissance importante de leurs portefeuilles de crédit en 2009. Cette croissance intervient dans un contexte économique particulier. Il est donc recommandé de suivre de près l’évolution de la qualité des engagements de ces banques dans les années futures.

La rentabilité
Malgré des ratios de profitabilité qui s’améliorent d’année en année, il est clair que le niveau de rentabilité des banques tunisiennes reste en deçà des moyennes internationales. Cette différence s’explique par un niveau de charges d’exploitation élevé pour certaines banques, le poids important des dotations aux provisions, et un marché de plus en plus concurrentiel.
Pour ce qui est des charges d’exploitation, des efforts importants ont été consentis par plusieurs banques de la place. Ces effortsont ramené le coefficient d’exploitation du secteur de plus de 58% en 2005, à 42,4% en 2008.
Malgré cette amélioration, des efforts restent à fournir pour certaines banques notamment la BIAT qui continue d’afficher un ratio relativement élevé (53% en 2008). Le rythme de provisionnement imposé aux banques locales par la BCT a plombé les bénéfices de la plupart des banques locales.
Le ratio Provisions/Bénéfice avant provisions a des niveaux très élevés ces dernières années (69% en 2008 et 75% en 2007 pour la BIAT à titre d’exemple). Nous nous attendons à une baisse conséquente de ce ratio à partir de 2009, ce qui devrait soulager les bénéfices des banques et améliorer par conséquent leurs ratios de rentabilité.
La concurrence de plus en plus prononcée dans le paysage bancaire tunisien est un problème majeur qui devrait freiner la croissance des banques.
En effet, il nous est difficile, compte tenu de ce contexte, de voir les banques tunisiennes afficher des taux de croissance importants ou des gains en parts de marché sans mettre à l’épreuve la qualité de leurs portefeuilles. Cette concurrence se traduit aussi au niveau de la similarité des produits et services des banques qui n’innovent malheureusement pas assez. Ceci affecte directement les marges des banques qui se compriment d’année en année sous l’effet de cette concurrence.

Perspectives
Les dernières années ont permis aux banques tunisiennes d’améliorer, sensiblement, leurs fondamentaux en terme de gestion de risque, renforcement des fonds propres, et d’amélioration des coûts opérationnels. Nos banques sont aujourd’hui, du fait de ces efforts de restructuration, plus solides et relativement plus rentables. Il est toutefois important de souligner que des défis majeurs se profilent à l’horizon : (1) Préserver l’acquis en terme de gestion des risques et se doter des outils nécessaires pour permettre une gestion plus adaptée au contexte économique national, et (2) faire face à une concurrence de plus en plus rude qui se traduit par une extension massive des réseaux d’agences et une approche commerciale plus « agressive » de la plupart des banques locales.
Il est aussi important de souligner les récents changements du cadre réglementaire régissant le secteur bancaire algérien (capital minimum, limitation des participations étrangères, rapatriement des dividendes) semblent freiner les ambitions de certaines banques locales qui voyaient en l’Algérie un marché prometteur.
Face à ces défis, une consolidation dans le secteur semble de plus en plus évidente. Elle permettra in fine à certaines banques d’augmenter leurs parts de marché et d’atteindre, enfin, la taille qui leur permettra d’avoir des ambitions internationales.
D’après Tunisie Valeurs
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