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DAVOS, Suisse (Reuters) - N'ayez pas peur et venez investir: tel est, en substance, le message délivré à Davos par les dirigeants de régimes issus du "printemps arabe" qui a emporté plusieurs dictateurs ou autocrates de la région en 2011.

Les responsables politiques, activistes et acteurs économiques des pays sur lesquels a soufflé le vent de la liberté sont les "chouchous" de l'édition 2012 du Forum économique mondial, qui rassemble l'élite mondiale du monde des affaires et de la politique dans cette station de ski huppée des Grisons.

Ils cherchent à rassurer leurs interlocuteurs en affirmant que la montée de l'islam politique ne constitue nullement une menace pour la démocratie et plaident pour des investissements créateurs d'emplois.

Ils demandent trois choses: de la patience, de la compréhension et des investissements.

Les nouveaux Premiers ministres tunisien et marocain, issus de la mouvance islamiste qui a remporté les récentes élections libres dans leur pays respectif, se sont appliqués à dissiper les craintes des Occidentaux sur la montée de l'islam politique au Maghreb.

Hammadi Jebali et Abdelilah Benkirane ont aussi cherché à réfuter l'idée selon laquelle les promesses faites lors des manifestations de l'an dernier s'étaient fanées.

ATTENTION AU VOCABULAIRE

"Je ne crois pas qu'il faille qualifier les nouveaux régimes de régimes politiques islamistes," a expliqué le chef du gouvernement tunisien, Hammadi Jebali, membre du parti islamiste Ennahda, lors d'un débat.

"Il faut faire attention avec le vocabulaire employé (...) Pour la première fois dans le monde arabe, des élections libres et équitables ont débouché sur des régimes démocratiques."

Il y a un an, les participants au forum de Davos assistaient, ébahis, à la télévision aux premières grandes manifestations en Egypte qui ont abouti à un "séisme" politique: la chute, le 11 février 2011, du président Hosni Moubarak, l'un des "dinosaures" du monde arabe.

Depuis, la mouvance islamiste égyptienne, composée des Frères musulmans et des salafistes, plus radicaux, a remporté haut la main les élections législatives dans un pays où l'armée reste toutefois en embuscade.

"J'aimerais poser la question suivante aux hommes d'affaires ici présents: avez-vous souffert de la victoire des islamistes ? Vous aviez bien soutenu les dictatures par le passé", a lancé Abdelilah Benkirane.

"Aujourd'hui, nous sommes en mesure de protéger vos intérêts plus qu'ils ne l'étaient par le passé", a poursuivi le Premier ministre marocain, du Parti de la Justice et du Développement.

"NOUS REVONS TOUJOURS"

Les héritiers du "printemps arabe" de 2011 préviennent qu'il faudra des années avant de recueillir les fruits de ce mouvement qui a balayé plusieurs régimes autoritaires.

"Il y a un an, au début de la révolution, je pense que nous rêvions, les yeux dans les étoiles. Aujourd'hui, nous continuons de rêver, mais les deux pieds ancrés dans la glaise", explique le gouverneur de la Banque centrale tunisienne, Moustapha Kamel Nabli.

Certains commentateurs occidentaux se sont émus de la tournure prise notamment par la "révolution du Nil", avec la montée en puissance des Frères musulmans et des salafistes.

Pour de nombreux Arabes, le succès électoral de la mouvance islamiste n'est pas une surprise et l'idée selon laquelle l'islam ne serait pas "soluble" dans la démocratie serait même insultante.

Moez Masoud, universitaire et prédicateur à l'Institut égyptien At Tarik al Sah, souligne que les sondages d'opinion montrent que les Egyptiens ont voté pour des mouvements islamistes essentiellement parce qu'ils étaient les mieux organisés et les plus efficaces dans la société.

"Cela n'a rien à voir avec le port ou l'interdiction du bikini, ou le bien-fondé d'appliquer la 'charia' (loi coranique). Cela a un rapport avec l'emploi, l'argent et la sécurité et sur tous ces sujets, les électeurs ont voté pour les mouvements les mieux organisés".

"Arrêtez de nous imposer une laïcité totalement étrangère"", conseille-t-il à l'adresse des Occidentaux.

Dans les interviews et les interventions publiques, les délégués arabes disent tous que le débat sur l'islam et la démocratie est une perte de temps alors que les pays en pleine mutation se débattent dans d'inextricables difficultés économiques.

"Nous aimons et respectons tous l'islam mais l'emploi est aujourd'hui la question centrale", explique Amr Khaled, un télévangéliste qui a sa propre émission à la télévision égyptienne.

Pour les gouvernements issus des révolutions arabes, affirme le banquier central tunisien, "le coût de la transition est beaucoup plus élevé qu'on le prévoyait" et les généreuses promesses d'aide financière faites par la communauté internationale, notamment par les pays du G8, ne se sont jamais matérialisées.

Et pour compliquer le tout, le redressement pâtit de la conjoncture économique mondiale maussade, notamment dans la zone euro. "L'environnement général n'aide pas beaucoup", conclut le gouverneur de la Banque centrale tunisienne".

Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Gilles Trequesser

SOURCE / http://tempsreel.nouvelobs.com

Tag(s) : #articles de presse
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