Par Houda Trabelsi pour Magharebia à Tunis – 19/08/10
![]() [Houda Trabelsi] Saloua Arfaoui dit que les femmes en Tunisie ne sont pas aussi libres que l'affirment les législateurs. |
Le débat a repris en Tunisie concernant les droits acquis par les femmes, alors que le pays a célébré la Journée nationale de la femme le 13 août. Certaines voient ces progrès comme une contrainte, dans la mesure où ils accroissent les responsabilités qui les éloignent de leur rôle au foyer, et qu'elles courent maintenant après l'argent pour améliorer leur situation financière.
Les femmes de Tunisie ont longtemps été enviées pour ce que la législation tunisienne leur a offert, notamment l'égalité des droits avec les hommes, le droit au travail, et l'interdiction de la polygamie, entre autres.
"Toutefois, la liberté des femmes en Tunisie n'existe que dans la législation", a déclaré Houda Hejji, professeur d'université, à Magharebia.
Un sentiment repris en écho par certaines, qui affirment que ces lois resteront sans valeur tant que la société ne changera pas.
"Les femmes en Tunisie se considèrent comme libres, sauf lorsqu'elles sont contraintes de travailler pour aider leurs maris à assurer leurs besoins", explique Chehiba Mehamdi, une jeune femme.
"Chacun ici parle et se flatte de l'égalité entre les sexes, mais quand la question de l'égalité entre en conflit avec les intérêts des hommes, ils révèlent leur véritable nature et affichent leur réalité macho", ajoute-t-elle. "Il existe ainsi plusieurs postes à responsabilité qui restent monopolisés par les hommes, qui estiment que les femmes ne sont pas qualifiées pour assumer de telles fonctions."
Chehiba estime que la liberté et l'égalité entre hommes et femmes restent relatives. Elle explique que "la plupart des hommes en Tunisie ne savent rien de la liberté des femmes, sauf au moment de [recevoir leur] salaire mensuel qui les aide à subvenir aux besoins de la famille."
Le professeur Hejji explique que parvenir à l'indépendance financière est ce qui a donné de l'autonomie aux femmes, alors que celles qui restent au foyer souffrent encore de l'hégémonie des hommes.
"De nombreuses femmes ont tourné les choses en leur faveur, et ont commencé à faire pression sur les hommes, et ils [les hommes] commencent même à revendiquer leur liberté", ajoute-t-elle.
D'autres femmes se plaignent que les horaires imposés par le travail en dehors de la maison a en fait renforcé l'oppression des femmes et porté atteinte aux familles tunisiennes.
"La logique qui prévaut, aux fins que les femmes sont désormais des partenaires économiques et que le travail les rend indépendantes, n'est rien d'autre qu'un sédatif", affirme Saloua Arfaoui, une employée. "En fait, la femme tunisienne se retrouve forcée d'aller travailler pour améliorer sa situation financière. En même temps, elle est contrainte de satisfaire tous les besoins de son mari et de ses enfants. Elle est donc obligée de concilier l'impossible : son travail et sa vie privée."
Elle conclut en affirmant que l'Etat tunisien a réussi à fermer la meilleure école de formation de la nouvelle génération et a privatisé la mère.
Un avis que ne partage pas le Dr Iqbal Gharbi, chef du département des Civilisations à l'Université Zitouna.
"Le législateur tunisien a présenté le Code du statut des personnes comme un ijtihad progressiste et basé sur les intentions, et comme une lecture des textes coraniques", explique-t-elle. "Un tel code est une véritable révolution dans le monde. Mais ce n'est pas une rupture laïque vis-à-vis des règles de l'Islam, ce qui se reflète dans la vie de la famille tunisienne, qui vit en harmonie."
Elle explique que la législation tunisienne "a modifié les relations domestiques et a eu un impact sur le modèle de vie en encourageant le dialogue au sein de la famille." La relation entre hommes et femmes implique maintenant "plus de justice et d'égalité, notamment avec l'introduction du concept de partenariat dans tous les domaines."
"Les femmes tunisiennes sont considérées comme chanceuses, comparées aux autres femmes dans certains pays arabes", affirme Kouther Bideni, professeur d'anglais.
Mais elle note toutefois que les hommes de Tunisie sous-estiment encore souvent les progrès accomplis par les Tunisiennes, et les considèrent comme simplement dépendantes. "Les hommes reconnaissent la liberté [de leurs femmes] pour travailler et rapporter de l'argent, tout en leur déniant la liberté dans d'autres domaines, comme la promotion."
source : http://www.magharebia.com.