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Interview de Mohamed Trabelsi, Secrétaire Général adjoint de l'UGTT chargé des relations extérieures

« L'UGTT est déterminée à faire réussir ces négociations en défendant, à la fois, les intérêts des travailleurs, l'emploi et la pérennité de l'entreprise. »

 

Notre invité, aujourd'hui, est Mohamed Trabelsi, secrétaire général-adjoint de l'UGTT, chargé des relations extérieures et membre du Bureau exécutif de la centrale syndicale. Il nous parle du 7ème round des négociations sociales qui va démarrer en mars 2008, de la contestation syndicale et de la participation ou non de l'UGTT, aux élections, en été,pour le renouvellement de moitié des membres de la Chambre des Conseillers. Interview.

 

• Le Temps : Comment s'est préparée l'UGTT pour les négociations sociales qui vont démarrer en principe en mars 2008 ?

 

-Mohamed  Trabelsi : Les commissions des syndicalistes dans les secteurs, les entreprises au niveau national ont déjà commencé les préparatifs pour ce nouveau round des négociations sociales d'arrache-pied sachant les difficultés qui caractérisent la situation actuelle. En effet, le contexte dans lequel vont se dérouler ces négociations est difficile : la cherté de vie est galopante, le taux d'inflation ne cesse de grimper ce qui a affecté sérieusement le pouvoir d'achat des travailleurs et se répercutera sur la demande. Cela entraînera certainement la récession et affectera davantage l'effort national pour créer de nouveaux emplois. Il est à signaler également la flambée du prix du pétrole ainsi que l'entrée en vigueur des traités de libre échange avec l'Europe à partir de 2008 ou au plus tard si les négociations avec les Européens aboutissent en juillet 2010.

A l'UGTT nous sommes conscients de la complexité de la situation. C'est pour cela que nous avons toujours plaidé pour l'élargissement du dialogue social pour qu'il puisse traiter les différentes questions du développement, de l'emploi, de l'investissement, de la fiscalité, des services publics, de l'assurance chômage, de l'intégration régionale etc...

Bien qu'elles soient très importantes et qu'elles constituent un acquis considérable, les négociations sociales ne peuvent à elles seules, résumer le dialogue social. Elles ne sont qu'un aspect de ce dialogue. Dans la pratique toutes les questions relatives aux salaires et aux conditions de travail sont liées et en interdépendance avec les autres questions économiques et sociales. C'est pour cela qu'il est très important pour notre pays, pour son développement et sa démocratie, de redynamiser les institutions du dialogue social notamment la commission nationale du dialogue social qui existe sur le papier mais qui ne s'est jamais réunie.

Ceci dit, il ne faut pas cerner le dialogue social dans un aspect occasionnel lié aux rounds triennaux de la négociation collective. La concertation et le dialogue continu sont de nature à raffermir le climat de confiance et de compromis entre les différents partenaires sociaux. Toutefois, l'UGTT est déterminée à faire réussir ces négociations sociales en défendant à la fois les intérêts des travailleurs, l'emploi et la pérennité de l'entreprise.

 

• On a constaté qu'il y a de plus en plus de contestations au sein de l'UGTT, il y en a des syndicats qui recourent souvent à la grève. Qu'en pensez-vous ?

 

-L'UGTT a été toujours et restera une organisation syndicale revendicative et contestataire. Pour ce qui est de l'aspect revendicatif, il n'y a pas de syndicalisme sans revendication. Mais, nous sommes, également, une force de proposition et de dialogue. Nous ne nous contentons pas de critiquer, nous proposons aussi des alternatives et des projets de société. En 1955, nous avons présenté un plan économique et social de développement. Nous continuons à préserver cet héritage qui constitue notre particularité tunisienne et notre identité Ugttiste. Mais depuis quelques années il est vrai qu'on assiste à une montée du nombre des grèves et de contestations. Cela n'a rien d'alarmant bien au contraire cela démontre que depuis septembre 2000, l'organisation syndicale s'est réconciliée avec ses principes de démocratie et d'indépendance. Elle a préféré le chemin du dialogue avec ses fédérations et ses syndicats nationaux plutôt que de procéder par des manières autoritaires et centralistes.

Il est vrai, également, que l'entrée en vigueur de l'économie du marché, l'accélération du processus de privatisation, l'aggravation alarmante de la précarité de l'emploi et l'élargissement des inégalités, ont suscité des réactions de la part des personnes lésées ou victimes de cette situation. Il n'y a pas de cadre mieux habilité pour exprimer ce mécontentement en dehors de l'UGTT. Nous sommes conscients de cette situation et nous essayons de la gérer pour limiter les dégâts, réaliser des acquis et défendre les intérêts des travailleurs.

 

• Mais, il y a des contestataires qui sont allés un peu loin en observant une grève de la faim dans les locaux même de l'UGTT. Qu'en dites-vous ?

 

-Il y a des situations où la déception et le désespoir atteignent un certain degré qui pousse certaines personnes à des réactions extrêmes. Nous comprenons cela. Mais nous ne pourrons pas justifier la grève de la faim en tant que moyen de lutte syndicale.

Les syndicats font la grève, occupent les locaux, descendent dans la rue, mettent le brassard, organisent des meetings. Bref, arrêtent, stoppent le processus de production. Ils font cela pour mieux vivre et améliorer les conditions de vie de leurs familles, non pas pour mourir ou se suicider. Nous sommes des syndicalistes qui aiment la vie, la dignité et le bien être.

 

• L'UGTT a boycotté les élections en 2005, des membres de la Chambre des Conseillers, en ne présentant pas ses candidats. Va-t-elle, ou non, participer, l'été 2008, aux élections pour le renouvellement de moitié de cette Chambre ?

 

-Il est très important de rappeler que l'UGTT a été le premier initiateur de l'idée de créer une 2ème Chambre parlementaire. Elle a donc considéré que la création de cette Chambre est un acquis et un enrichissement du paysage institutionnel. Malheureusement, ses réserves quant au choix de ses propres représentants et leur nombre au sein de cette Chambre, n'ont pas été prises en considération. La commission administrative de l'UGTT a donc considéré que la procédure actuelle appliquée dans l'élection des représentants de la centrale syndicale par des instances non syndicales où il n'y a pas de représentants syndicaux est une atteinte à son indépendance et à sa liberté de choix. Nous espérons toutefois qu'un dialogue s'instaure avec le gouvernement, le Conseil constitutionnel et l'UGTT pour trouver les moyens qui permettent à la Centrale syndicale d'intégrer la Chambre des Conseillers.

 

Interview réalisé par Néjib SASSI 

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 30 janvier 2008)

Tag(s) : #articles de presse
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