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Résultats en chute libre, créances douteuses vertigineuses... Malgré la situation calamiteuse des établissements publics tunisiens, l'État temporise.

En dépit de la multiplication des alertes, le gouvernement tunisien ne semble pas encore avoir pris la mesure de l'urgence de restructurer les banques publiques. Il aura fallu attendre près de neuf mois pour que la Société tunisienne de banque (STB), la Banque nationale agricole (BNA) et la Banque de l'habitat (BH) présentent leurs résultats 2011. Celui de STB, la plus importante des trois, est particulièrement catastrophique. Sans une dotation de 117 millions de dinars (57,5 millions d'euros) votée in extremis par l'Assemblée nationale constituante, elle afficherait une perte de 106 millions de dinars. De leur côté, BNA et BH ont publié des résultats en baisse de 17,8 % et 37,6 % respectivement.

Ces établissements accumulent en outre un stock inquiétant de créances douteuses. Si les résultats consolidés de STB pour 2011 n'ont pas encore été publiés, la banque affichait déjà en 2010 1,9 milliard de dinars de créances classées dont seulement 50 % sont provisionnées, selon les analystes d'AlphaMena. La situation n'est pas plus reluisante chez ses consoeurs. En 2011, BNA présentait ainsi 1 milliard de dinars de prêts compromis, provisionnés à 71 %, et BH 672 millions de dinars, provisionnés à 53 %. En moyenne, les créances douteuses des banques publiques représentent 20 % du total de leurs crédits, un chiffre légèrement supérieur à la moyenne des établissements tunisiens (presque 16 %) et près de cinq fois plus important que pour le secteur bancaire marocain (voir le tableau).

Dans son dernier rapport « Banking Industry Country Risk Assessment » (Bicra), Standard & Poor's dresse un portrait alarmant du secteur bancaire tunisien, attribuant au pays une notation du risque de 8 sur 10 (10 étant le plus risqué). Même si l'agence de notation reconnaît que l'État a montré son soutien au secteur, elle souligne que sa capacité financière ne serait pas suffisante pour faire face à une crise systémique. Dans une déclaration qui traduit la faiblesse de ses attentes, la Banque centrale de Tunisie (BCT) semble se satisfaire que le pays se trouve au même niveau de risque que le Liban ou le Nigeria.

 

Sine die

Un temps envisagée, une fusion de STB et BH a été reportée sine die. Selon Dhafer Saïdane, maître de conférences en économie à l'université française de Lille-III, c'est pourtant la seule solution : « Il conviendrait de consolider les trois banques publiques en un seul établissement à vocation universelle et de ne conserver que trois ou quatre banques privées. Sur ce point, la Tunisie peut prendre exemple sur ce qui s'est passé en Afrique subsaharienne, où les exigences de fonds propres ont été relevées de manière à consolider le secteur. En Tunisie, 21 banques se partagent un marché de 10 millions d'habitants et leur bilan cumulé pèse à peu près autant que celui d'Attijariwafa Bank », la première banque marocaine.

Les plans de restructuration figuraient déjà dans le programme électoral de l'ancien président Ben Ali en 2009. Trois ans plus tard, le ministre des Finances par intérim, Slim Besbes, a indiqué qu'un appel d'offres était en cours pour sélectionner des cabinets d'audit pour les trois banques publiques et huit de leurs filiales « afin de mettre en place une stratégie de réforme cohérente du système financier ». « Une perte de temps », juge le patron d'une grande banque privée : « Il faut des actions réelles pour sortir définitivement de l'ornière avant que la réputation des banques privées ne soit entachée à son tour ! »

Selon les observateurs, une faillite reste inenvisageable.

Au-delà d'une restructuration, c'est le modèle économique même des banques, basé sur la collecte de dépôts à taux très bas et l'octroi de crédits à taux élevés, qui doit être remis en question. « Les établissements ne proposent pas de produits innovants, leur activité de marché est marginale, et la partie corporate est traitée comme de la banque de détail », regrette Kais Kriaa, analyste chez AlphaMena. Un point agace tout particulièrement les hommes d'affaires tunisiens : « Les banquiers accordent encore des prêts sur des bases personnelles », lâche un patron qui regrette que ceux-ci n'aient pas encore « pris la mesure du changement qui s'est opéré dans la société ».

Les banques pèsent plus de 40 % de la capitalisation boursière de la Place de Tunis et leur mauvaise santé met en danger l'ensemble de l'économie. Selon les observateurs, la faillite d'un établissement public est certes inenvisageable. « Cela n'est jamais arrivé et n'arrivera jamais », martèle un banquier. Mais face à l'ampleur de la tâche, la puissance publique paraît démunie. La BCT, dont les réserves de change sont au plus bas, a perdu un peu de son indépendance à la suite du limogeage de son ancien gouverneur, Mustapha Kamel Nabli, après un long feuilleton politique qui s'est terminé en juillet. Et avec des élections dans moins de un an, l'impopularité des mesures à prendre semble insurmontable pour le gouvernement. Mais plus il tarde, plus il risque d'être spectateur d'une catastrophe annoncée.



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Tag(s) : #articles de presse
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