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La 4ème Conférence des ministres francophones de la justice vient de s’achever à Paris. Un de ses deux thèmes portait sur « justice et développement », plus précisément sur le droit et la régulation de l’économie dans l’espace francophone. 

Il ya été largement question du développement de nouvelles formes de criminalité favorisées par les technologies de l’information et de la communication et l’ingénierie financière, et aussi d’intégration régionale par l’entremise d’organisations telles que l’OHADA, que j’évoquais dans mon premier texte. Je reviendrai sur certains de ces sujets une autre fois. 

Mais je voudrais ici approfondir un point : la diversité des systèmes juridiques et judiciaires est indispensable, si l’on veut qu’ils contribuent réellement au développement.  

La justice est universelle et l’état de droit est un objectif irrécusable. Mais cela posé, la façon dont s’exerce la justice, dont se réalise l’état de droit, présente de multiples variantes; elle n’est pas réductible à des schémas mécaniques, ni mesurable de façon uniquement quantitative. Les racines historiques tant du droit lui-même que des systèmes judiciaires et de leurs différents protagonistes ne peuvent être méconnues, si l’on ne veut pas qu’elles deviennent des obstacles cachés à de nécessaires évolutions. 

A l’origine la colonisation, que ce soit en Afrique subsaharienne ou en Amérique latine, a anéanti les modes de justice traditionnelles et mis en place des institutions judiciaires et des règles de droit très éloignées de la vie quotidienne et des besoins des populations. Soumises par la force, celles-ci n’ont eu d’autre ressource que d’esquiver le système juridique et de contourner le système judiciaire, puis, une fois l’indépendance acquise, de les subvertir tous deux. Ce que l’on stigmatise sous le nom de clientélisme et de corruption trouve son origine dans ce rejet et n’est au départ que l’affirmation d’un lien personnel ou social nécessaire entre celui qui demande justice et celui qui juge. 

Entendons-nous : aujourd’hui la monétarisation des rapports humains, la domination désormais acquises des relations marchandes ont bien conduit à une extension insoutenable de la prévarication, à l’usage d’une fonction administrative ou judiciaire pour s’approprier indument une part de richesse et à la constitution de réseaux de services mutuels aux dépens de l’intérêt général, de la neutralité de la justice et de l’équité. La corruption représente ainsi un des obstacles majeurs au développement 

Mais si cette corruption, largement documentée, quotidiennement dénoncée, s’avère si difficile à éradiquer, est-ce du à tel ou tel type de droit? Certaines approches qui portent sur l’organisation judiciaire plus que sur le système juridique, le prétendent ; elles concluent à la valeur prééminente d’un droit spécifique sur tous les autres et à la nécessité de faire converger tous les systèmes. 

On peut voir les choses autrement. Aucun droit n’est meilleur qu’un autre, à partir du moment où il a la capacité de réguler les relations entre les personnes ou les communautés, de protéger le plus faible et d’établir une certaine équité dans le fonctionnement de
la collectivité. Ce qui est essentiellement en cause, c’est la gouvernance de la justice. 

Les sociétés des pays en développement ont construit sur la base des grands droits d’origine européenne, qui leur ont été imposés, et de leurs propres traditions des ensembles juridiques qui ont leur logique. C’est de cette logique et de son histoire qu’il faut partir si l’on veut lutter efficacement contre les dérives et les détournements.  

Aucun droit n’a fait la preuve d’une capacité particulière à enrayer la corruption et l’abus de pouvoir. C’est le corps politique tout entier qui limite progressivement ces délits, c’est lui qui doit se mobiliser régulièrement pour empêcher leur renaissance. Il le fait d’autant mieux qu’il peut recourir à des instruments juridiques et judiciaires qui lui sont familiers et qu’il se sent responsable de la gestion de ces problèmes. 

Bien entendu je ne sous-estime pas les nouvelles formes de délinquance qui affaiblissent les Etats et pèsent sur leur fonctionnement : le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, le blanchiment des capitaux et
la cybercriminalité. Le cadre juridique de chaque pays doit savoir faire les adaptations indispensables pour prendre en compte la globalisation des échanges, la mondialisation des économies et des mouvements de population. Mais c’est dans le dialogue entre les différents systèmes de droit et l’approfondissement de chacun que l’on trouvera des solutions efficaces, non dans une uniformisation qui favorisera les plus riches et les mieux formés parmi ceux qui tournent la loi.
"source Ideas 4 development- le 27.02.2008""

Tag(s) : #articles de presse
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